Chambardements #4 : Baroque'n'roll


Hop, voici la version Funky Ronin-esque des présentations thématiques de chambara inter-blog initiées par Epikt (esclavagiste !), reprises par Wildgrounds puis par Ygrael.

Fin des 60s, début des 70s, la figure du samourai et les valeurs qu'il représente ont été déjà bien malmenées, en particulier dans les films écrits par Shinobu Hashimoto (Les 7 Samourais, Hara Kiri, Samurai Rebellion, Hitokiri, Samurai Assassin, Le Sabre du Mal...) mais de surcroît débarque Kazuo Koike, son alter ego décadent (ils ont un goût commun pour un environnement historique dense), officiant avant tout dans le manga.
Le monsieur est responsable, entre autres, du scénario des trois chambara que je vais vous présenter, tous issus de quelques uns de ses succès papier.
Au programme donc, débordements sanglant, sexe et fuck you attitude. Oh yeah !




Baby Cart 2 : l'Enfant Massacre (Kozure Okami : Sanzu no Kawa no Ubaguruma, 1972, de Kenji Misumi)

Est-il besoin de présenter le meilleur film de sabre (et film tout court d'ailleurs) du monde ?
Deuxième volet d'une série de six films, il suit les tribulations de l'ancien exécuteur du shogun, Ogami Itto (Tomisaburo Wakayama) et de son fils Daigoro, poussés à vivre une vie d'assassins, suite à une machination du clan Yagyu. Clan qui n'aura de cesse de vouloir éliminer le ronin et sa progéniture.
C'est simple, il n'y a rien à jeter dans ce métrage. L'histoire est concise mais non dénuée d'épaisseur : la relation père / fils (la scène du bain), la maternité (la scène à la source chaude)... Mais aussi et surtout, le film est doté d'une inventivité narrative époustouflante, faisant passer toutes les émotions par l'image. Les protagonistes sont iconisés en quelques plans : l'intro du film, le groupe de tueuses, les frères Ben Ten Raï... et la violence plus que graphique éclate littéralement via de multiples geysers de sang et autres membres tranchés. Je n'arrive d'ailleurs pas à me lasser de ce combat final paroxysmique dans les dunes (ni du film dans son ensemble, en faits).
Du pur divertissement, du pur cinéma.




Hanzo the Razor : Sword of Justice (Goyôkiba, 1972, de Kenji Misumi)


Le film s'ouvre sur un split-screen, voyant Shintaro Katsu avancer dans la ville d'un pas décidé d'un côté, de l'autre, son profil derrière lequel défile une carte de la ville, le tout sur fond de score funky digne d'un film de blaxploitation (qui n'est pas sans rappeler le Freddy's Dead de Curtis Mayfield pour SuperFly). Il se rend au QG de la police, n'y allant que pour une chose : vilipender son supérieur à propos de la corruption ambiante, chose contre laquelle il luttera à sa manière tout au long du métrage.
Véritable véhicule pour Shintaro Katsu, alors en pleine gloire Zatoichi-enne, ce personnage se pose comme l'anti-thèse de notre bon masseur aveugle. Ils n'ont en commun qu'une volonté de combattre l'injustice. Hanzo "the Razor" Ittami est un flic dont la taille de l'ego n'a d'équivalent que celle de son braquemart. Il est incorruptible et use de méthodes bien peu orthodoxes. Une espèce de Dirty Harry de l'ère Edo. Mais un dirty Dirty Harry, alors. Il interroge les hommes avec force et sadisme (dont un mémorable pétage de nez) et teste ses tortures sur lui-même pour, je cite, "savoir quand la douleur se tranforme en plaisir afin de connaître les limites et ainsi rendre la torture plus efficace". Les femmes, quand à elles, sont questionnées (au sens Inquisition du terme) avec cet engin de torture qui lui sert de sexe. Il l'entraîne durement (c'est le moins que l'on puisse dire) pour en faire une véritable épée de justice (The longest arm of the law annonce le coffret HVe). Cela nous vaudra de la part de Misumi pas mal de plans originaux pour suggérer la puissance de la "bête" dont une vue subjective de celle-ci s'enfonçant dans un sac de riz ou un Katsu de dos, se lavant le sexe, éclaboussant à grandes eaux les alentours.
Un chambara totalement autre, qui, s'il n'est pas dans les meilleures réalisations de Misumi, se regarde avec délectation pour la performance de Shintaro Katsu.




Bohachi Bushido : Clan of the Forgotten 8 ( Porno Jidaigeki : Bohachi Bushido, 1973, de Teruo Ishii)


Shiro (Tetsuro Tamba), assassin monolithique et létal, décide d'en finir avec cette vie de combats incessants et se jette dans la rivière. Non sans avoir, au préalable, découpé quelques assaillants dans un générique dont les idéogrammes sont issus du choc des épées ou des jets de sang.
Mais il est ramené à la vie malgré lui par le clan Bohachi, spécialisé dans la prostitution, par le biais de femmes nues qui se frottent contre lui car "Il n'y a rien de mieux pour se réchauffer que le contact du corps d'une femme".
Shiro est alors engagé pour évincer la concurrence du clan (les "forgotten eight" du titre font référence au contre-bushido des Bohachi : oublier la loyauté, la pitié, la croyance, la propriété, la justice...).
Teruo Ishii était dans les 60s/70s un chantre du cinéma d'exploitation nippon (Female Yakuza Tale: Inquisition and Torture, The Executioner, les Abashiri Bangaishi...) et nous livre ici une véritable perle psychédélique, utilisant les studios à fond, faisant des jeux de lumières appuyés une partie intégrante de sa mise en scène.
Tous les excès de l'exploitation sont là. Une histoire prétexte, des femmes en costumes d'Eve (les "hommes" de mains du clan sont un groupe de tueuses combattant nues) et aux tendances saphiques, de la violence graphique (les têtes et les membres volent, le sang gicle, un homme est brûlé vif, on a même le droit à une syphilitique en cage). Le personnage principal est un anti-héros increvable qui pose à mort (un parfait Tetsuro Tamba) et le final est anthologique : sous l'influence de l'opium, Shiro doit se battre contre une multitude d'adversaires , laissant Teruo Ishii donner libre cours à sa folie formelle (ce film aurait pû se retrouver dans la p'tite liste de mes films préférés, tout comme le Hanzo the Razor et pas mal d'autres).




De gauche à droite : la couv' du n°4 pour la première édition u.s. de Lone Wolf & Cub signée Frank Miller, un extrait de Goyokiba et enfin le seul visuel que j'ai pû trouver pour le manga Bohachi Bushido.